JANET ON THE ROOF retranscrit un état de sidération qui finit par tout imprégner, et devient la toile de fond de nos existences.
Attentats, catastrophes, menaces … sont des impacts qui compriment le temps de nos perceptions. Il s’agit de s’emparer de ce temps pour l’étirer et le diluer, pour essayer de mieux le comprendre, pour soulever, élargir les micro-évènements qui s’y produisent : les évidences, l’irréversibilité, la logique de l’instant, la stupeur … Ce sont des choses qui, prises séparément sont assez simples à analyser, mais que nous n’avons pas le temps de saisir dans leur instantanéité.
JANET ON THE ROOF est une chute, un mouvement inéluctable. À l’instant où l’on voit la feuille se détacher de l’arbre, on a compris qu’elle allait se poser au sol. Ce que l’on regarde, c’est tout le chemin qu’elle fait pour tomber, qui repose toujours sur le même principe, mais qui se trouve être toujours singulier. Le mouvement de l’interprète, sur 50 minutes, suit un principe analogue, celui du thème et de la variation, qui agit à la fois à l’endroit de la surprise et du connu.
La sidération se produit aussi dans ce constat : ce qui survient nous surprend en même temps que c’est identifié, presque attendu. Dans JANET ON THE ROOF, on retrouve ces soudaines compressions du temps qui s’opèrent sous l’effet d’un choc. La première surprend le public, la deuxième déjà moins, et la troisième se transforme presque en situation habituelle. La peur nous permet peut-être de chercher des solutions, la sidération, quant à elle, éradique toute la fertilité du possible. La terreur, elle, crée une angoisse qui se diffuse et qui, par sa répétition, finit par nous engourdir.
Ce qui nous surprend nous sidère et ce qui nous sidère ne nous surprend plus.
La pièce dit, entre autres choses, cette érosion de nos sensibilités.
Pierre Pontvianne